Ă lâheure oĂč la contamination atteint un seuil critique, il nous paraĂźt indispensable de rendre Ă CĂ©sar ce qui appartient Ă CĂ©sar. Ou plutĂŽt, de resituer le foyer de lâĂ©pidĂ©mie. Les zombies nâont en effet jamais Ă©tĂ© aussi nombreux. Salles de cinĂ©ma, petit Ă©cran, jeux vidĂ©o, bandes dessinĂ©es, mangas ; aucun support nâa Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©. Mais tous ces 28 jours plus tard », The Walking Dead » ou encore Left 4 Dead » nâexisteraient peut-ĂȘtre pas si le new-yorkais George Andrew Romero nâavait pas rĂ©volutionnĂ© le cinĂ©ma de genre avec son dĂ©sormais mythique La Nuit des morts-vivants ». De tous les noms du cinĂ©ma dâhorreur, ce petit film de rien du tout tournĂ© en 1968 est certainement celui qui sâest montrĂ© le plus visionnaire. Et pour preuve, aujourdâhui plus que jamais, il occupe une place capitale dans la culture populaire occidentale. Il est donc grand temps de remonter aux origines de ce vĂ©ritable mythe. Tout commence en 1961, Ă Pittsburgh, quand une bande de dix potes dĂ©cide de fonder une petite sociĂ©tĂ© de production. En 1967, aprĂšs avoir produit et rĂ©alisĂ© quelques films publicitaires, les quelques amis dont Romero fait partie dĂ©cident de financer leur premier film en fusionnant avec une autre compagnie pour donner naissance Ă Image Ten ». A une Ă©poque oĂč le genre bĂ©nĂ©ficiait dâune large diffusion dans les drive-in et oĂč la sĂ©rie B Ă©tait particuliĂšrement rentable, ils optent logiquement pour lâhorreur. Câest ainsi que la production dĂ©bute en juin 1967 pour un budget total de 114â000 dollars. Au moment dâĂ©crire le scĂ©nario, Romero ressort une nouvelle quâil avait prĂ©cĂ©demment rĂ©digĂ©e en sâinspirant de Je suis une lĂ©gende » de Richard Matheson. Sâil conserve lâidĂ©e de la maison assiĂ©gĂ©e par une horde de revenants, les vampires sont remplacĂ©s par des morts-vivants qui se nourrissent exclusivement de chair humaine. Dans un premier temps, le script sâintitulait Anubis ». Il sera ensuite plusieurs fois modifiĂ© avant que la compagnie Image Ten » ne dĂ©cide du titre final The Night of the Living Dead ». La suite, nous la connaissons tous. Un film tournĂ© en noir et blanc, un huis clos haletant oĂč Romero sâintĂ©resse dâavantage aux rĂ©percussions psychologiques quâĂ lâaction quâengendrerait une telle invasion, faisant du survivant un ĂȘtre plus monstrueux que le monstre lui-mĂȘme. Le jeune new-yorkais nâa pas peur de terrifier le spectateur en le plongeant dans un monde inhabituellement nihiliste, oĂč le nĂ©ant et la tragĂ©die ne laissent aucune place Ă lâespoir. Car pour Romero, fondamentalement, ce sont les goules qui lâemportent ». Toutes les valeurs sociĂ©tales sont ainsi balayĂ©es. Le rĂ©alisateur transgresse sans retenue les plus grands tabous de lâĂ©poque, le cannibalisme et lâinfanticide en tĂȘte. Suite Ă la destruction totale de la sociĂ©tĂ©, il ne propose aucun nouveau modĂšle et termine son film sur une image dâun pessimisme absolu et rarement Ă©galĂ© au cinĂ©ma. Certes, les zombies tout droit inspirĂ©s des rites vaudous haĂŻtiens nâont pas attendu Romero pour sâattaquer au cinĂ©ma. Mais câest bel et bien La Nuit des morts-vivants » qui propose pour la premiĂšre fois la reprĂ©sentation de zombie que nous connaissons encore aujourdâhui. Jusquâen 1968, le revenant avait toujours Ă©tĂ© un intermĂ©diaire contrĂŽlĂ© Ă distance par un maĂźtre. Cette fois, il est lui-mĂȘme la menace et non plus un simple outil. Le film introduit aussi pour la premiĂšre fois lâidĂ©e de la balle dans la tĂȘte » comme unique moyen de tuer le mort-vivant. Mais la nouvelle reprĂ©sentation du mort-vivant nâest pas la seule innovation du film. Avec la prĂ©sence de Duane Jones au casting, La Nuit des morts-vivants » est lâun des premiers films amĂ©ricains Ă engager un acteur noir pour tenir le rĂŽle du personnage principal. Selon les dires de Romero, ce choix nâavait aucunement Ă©tĂ© guidĂ© par la volontĂ© de transmettre un message politique. Duane Jones aurait simplement Ă©tĂ© le meilleur au casting. Mais lâassassinat de Martin Luther King, qui survient entre la postproduction et la premiĂšre projection du film, ancre dĂ©finitivement le film dans un climat politique virulent et en fait un symbole de la confrontation ethnique amĂ©ricaine. Il faut croire que La Nuit des morts-vivants » avait rendez-vous avec lâhistoire. La Nuit des morts-vivantsDe George A. RomeroAvec Duane Jones, Judith OâDeaImage TenĂcrit par Thomas Gerber
jEEm. 379 25 258 360 377 145 149 32 383